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"La Nature, source d’inspiration". 1/ Berlioz, Turner et Byron

Joseph Mallord William Turner - “Childe Harold’s Pilgrimage - Italy” - Tate Britain - Creative Commons CC-BY-NC-ND (3.0 Unported)

La Nature ne propose pas uniquement une source d’inspiration illimitée aux botanistes et apothicaires pour leurs crèmes, baumes ou savons.

Depuis la nuit des temps, les artistes ont puisé sans retenue dans ses odeurs, ses couleurs, ses bruits, ses textures, dans les émotions qu’elle génère par ses connexions infinies et complexes à nos cerveaux, par l’intermédiaire de tous nos sens.

Dans sa symphonie « Harold en Italie », Hector Berlioz utilise le cor anglais et l’alto pour exprimer sa passion triste et une profonde mélancolie inspirée par son voyage en Italie en quête de « grands bois de châtaigniers au noir feuillage », de cloches lointaines (le « tintement mélancolique de la campanella d’un couvent caché”), les « forêts de sapins que les pifferari font retentir de leurs refrains agrestes », les sons des tambours de basque.

Berlioz utilise comme instrument soliste le rare alto, sa sonorité veloutée, inquiète, à la vaste tessiture, pour refléter les sentiments créés par la nature des Abruzzes dans l’esprit du compositeur. Son association avec le cor anglais, au son lui aussi rare et langoureux, et l’accompagnement par la harpe  - elle-même instrument associé à la Nature, pensons aux vent et cours d’eau - très présente, crée cette ambiance de nature extraordinaire, parfois incertaine, et toujours emprunte de nostalgie.

L’association toute naturelle d’ « Harold en Italie », avec le tableau intitulé Childe Harold’s Pilgrimage (collection de la Tate Britain) de William Turner s’explique par le sujet, mais aussi par cette impression de nature si mélancolique dans l’œuvre du peintre anglais (aucune couleur vive, effet de brume, lumière tamisée), et cette nostalgie pour des temps meilleurs (ruines). Le sujet humain y semble marginal, presque anecdotique, du moins inclus dans une nature dominante. L’arbre central, par sa taille qui se découpe sur les ruines et les forêts, mais aussi, seul, sur le ciel, est un objet ordinaire mais cardinal du tableau, sa principale ligne verticale.

Le poème éponyme de Lord Byron, inspiré par ses voyages dans le sud de l’Europe, a servi également d’inspiration à Berlioz. Quoi que la mélancolie de Byron soit plus généralement liée à la situation politique postnapoléonienne, son allusion à la Nature ne peut être plus explicite, notamment dans l’extrait apposé à côté du tableau de Turner :
“ … and now, fair Italy! 
Thou are the garden of the world… 
Thy wreck a glory, and thy ruin graced 
With an immaculate charm which cannot be defaced.”

A l’image de la Nature des Abruzzes, la combinaison du tableau, du poème et de la symphonie nous semble tout simplement parfaite.